Le goût des mots

** Une Saison Avant La Tragédie De Macbeth (voir ci dessus)

 

Lady Bodhe. — Soyez heureuse que votre mère s’intéresse à votre bien-être, Madame.

Gruoch. — Je crains, Madame, que votre âge avancé ne vous égare dans les méandres du bon parler, et que ce que vous nommez ‘bien-être’ ne regarde que les halètements… de mon propre cœur.

Lady Bodhe. — Je suis bien aise que votre… cœur soit enfin entre de bonnes mains. Serais-je en droit de conclure que les cris qui chaque nuit font résonner les murs de ce vieux Glamis sont pur produit de mon imaginaire ?

Gruoch. — De vieilles chouettes… sans aucun doute. Les vieilles pierres les attirent.

Lady Bodhe. — Le château de Glamis est beau, il est vrai. Les donjons lugubres à souhait. Ils sont tellement superbes qu’il me prend parfois envie la nuit de m’y promener à la lueur de ma bougie.

Gruoch. — Si votre chambre ne vous sied point, Madame, ce bon Macbeth pourra vous offrir une literie presque neuve à l’écurie. Je vous recommande de ne point faire de promenades nocturnes si vous souhaitez éviter un malencontreux accident… avec l’épée d’un garde par exemple. Ils sont tout à notre service et d’une loyauté absolue 

 ** Une dernière volonté

Donald C’est interdit d’emporter des trucs avec soi.

Lucy    Qui l’interdit ? Dieu? Qui serait cruel à ce point de dire à une vieille dame, une vieille dame morte qu’elle ne peut pas emporter ses mouchoirs ou son mouchoir préféré ? Les Egyptiens se faisaient enterrer avec toute la maisonnée ! Ta grand’mère aurait pu très facilement se faire une cachette pour emporter ….

** Dreamlife

Paul On l’a échappé belle !

Clochard (qui mange dans une boîte à pizza récupérée dans une poubelle) Qu’est-ce que tu dis ?

Paul Rien. Je me parlais tout seul.

Clochard Alors, tu parles pour rien dire, toi ? C’est du gâchis si tu veux mon avis.

Paul Ton avis ? Je ne veux pas ton avis. Qu’est-ce que tu en saurais toi ? Tu ne vas pas me donner des conseils, quand même ? Non, mais j’hallucine ! De quel droit tu te mêles de ma vie ? Tu es là à ne rien foutre de la journée, sans être responsable de rien du tout et tu viens fourrer ta sale gueule dans mes affaires. Ça ne s’est jamais vu ! Est-ce que je m’occupe de tes cors au pied, ou de ton haleine qui pue, moi ? Voilà ! Il y en a toujours un ! Le bougre qui ne te laisse pas tranquille, qui fout sa merde, qui supporte pas de te voir heureux et qui vient te dégommer en plein jardin public ! Qu’est-ce que tu zieutes ? Tu veux ma photo ? Tiens (il se prend en photo, appareil à bout de bras). Content ? Je te fais un tirage et je te le porte, d’accord ? Tu pourras te l’accrocher sur ton arbuste si tu veux. Tu veux quel format ? Un grand je crois, non ? Parce qu’il perd ses feuilles, ton forsythia. Puis avec l’automne qui va s’aggraver, la photo, ça empêchera quelques courants d’air !

Clochard C’est pas un forsythia.

 

** Filles de Kronos / Les Kroqueuses

(Maureen s’est rendue à l’improviste chez son psy à 23h30 la veille du jour de l’an.)
Maureen Vous m’entendez ? Vous ne m’écoutez pas ! Je vous ai vu regarder votre montre tout à l’heure. Il était moins dix seulement, je vous ai vu.

N’essayez pas de changer de sujet. En fait, depuis que je suis arrivée vous ne faites que penser à votre réveillon de merde, à votre champagne de merde, à votre femmelette coquette. Oui, oui, ne le niez pas. Je l’ai vue sortir d’ici l’autre jour avec son panier à provisions de merde.

Je l’ai vue au marché avec son sourire de merde et sa sérénité. Je l’ai vue acheter ses produits bios. Voilà ce que je fais de votre bonne femme. (Elle s’empare du coussin et le bourre de coups) Voilà, voilà, voilàJe suis désolée, je regrette, je ne voulais pas….La pauvre.

Je la prenais pour madame votre épouse. Je voulais la zigouiller, l’écrabouiller, la tuer

 

** Le Dernier Costume

Joan    Quelle bande de nazes! J’ai mis un quart d’heure pour régler ça. Le directeur d’agence connait l’informatique comme moi je connais la face cachée de la lune. Il me dit « Où sont passées toutes ces foutues réservations ? Je les ai envoyées, nom de Dieu ! Elles ne sont pas en train de sa couler douce dans un nuage à fricoter avec des notices de friteuses traduites en javanais. Hahaha »

Mae     Notices de friteuses.

Joan    Je sais! Je lui ai dit mille fois que ça ne marche pas comme ça. Mais chaque fois qu’il y a le moindre anicroche, paf, il pète un câble. (gros soupir) Tu sais ce qu’il m’a dit ? Il m’a dit que je ramenais trop ma petite frimousse. Tu sais ce que je lui ai répondu ?

Mae     Aucune idée.

Joan    Je lui ai dit , “D’accord, renvoyez-moi.” On est dans son bureau et je lui dis, « Mettez-moi à la porte si vous voulez, mais je ne sais pas où vous allez trouver une autre 95 double D avec les mêmes qualifications que moi. » J’ai regardé la couleur quitter ses jolies bajoues toutes roses. J’étais sure qu’il allait tomber dans les pommes. Tu sais pourquoi je lui ai dit ça ?

Joan    Pour qu’il tombe dans les pommes

Mae     Tu parles, Charles. Il essaie toujours de me tripoter en passant. ‘Mince, Joan, désolé, j’ai trébuché.’ Il ne me la fait pas à moi.

** Les Oubliés

Paula Maman, Tu as dit Liam. Il s’appelle Ian.

Isobel  Ah bon?

Paul     Ca fait deux fois. C’est qui Liam ?

Isobel  Aucune idée. (elle rit) Un secret inavouable peut-être.

Paula   Puis, de toute façon, je ne vois pas l’intérêt d’aller déterrer chaque scène de la vie de maman.

Ian      Ca me semble très subjectif. On ne peut pas prendre sur nous de chosir ce que nous voulons qu’elle se rappelle.

Paula   Il n’y as des choses dans ta vie que tu préfères oublier ?

Ian      Bien sûr. Mais le choix doit m’appartenir. Je ne veux pas que quelqu’un d’autre choisisse à ma place. C’est une question d’intégrité.

(Paula est furieuse mais préfère attendre d’être seule avec son mari)

Paula Maman

Isobel (ne répond pas)

Paula   Maman!

Isobel  Désolée. Je n’y suis pas encore habitué.

 

** Amuse Gueules

(Dîner entre trois couples. Celia, la femme de Gareth, est dans la cuisine avec Jake le mari d’Eleanor. Robert et sa femme Ginny sont restés au salon avec Gareth et El)

(Les deux conversations sont simultanées mais indépendantes. Le public entend les deux)

Robert (à El) Mon père nous a obligés à nous maîtriser.

El                    ‘Nous’ ?

Gareth            (qui s’assied à côté de Ginny) Je travaille avec un archi jusqu’à la fin du mois. Si tu es libre après ?

Robert            Moi et ma sœur.

El                    Juste vous et votre sœur.

Ginny              Génial. Rien que toi et moi.

Robert            Rien que nous deux. Ma sœur et moi.

El                    Vous étiez proches.

Robert            Il n’y avait pas plus proche.

Gareth            Il va falloir travailler la main dans la main.

Ginny              Je suis sure que les idées ne te manqueront pas.

El                     J’étais très proche de ma propre sœur.

Gareth            Celia et moi étions très bien ensemble

Robert            Vous étiez ?

El                    Nous l’étions

Ginny              Etiez..

Robert            Elle vous a laissée tomber ?

Gareth            On est toujours ensemble.

El                    Elle est morte.

Robert            Morte.

Ginny              Ah, je me suis trompée. Mon mariage ..

El                    Morte.

Gareth            ..se meurt.

Robert            C’était quand ?

El                    Il y a cinq ans.

Ginny              Tu l’as remarqué.

Gareth            Désolé.

Robert            Un accident

Ginny              Ce n’est pas la peine. Ca n’a pas d’importance.

El                     Elle s’est tuée. Une overdose de médicaments.

Ginny              C’est affreux vraiment. Je sais.

Gareth            On est un peu funambule ; C’est comme ça.

Robert            Une fille m’a quitté.

Ginny             Comment ?

El                    Votre sœur .

Robert            Non. Une fille. J’étais amoureuse d’elle. Je voulais l’épouser. Elle est morte.

El                    Donc, après tout on a quelque chose en commun quand même.

                       (Ginny casse un verre)